En arabe, hébreux, anglais, français, turc
Notre regretté Mahmoud Darwish a décrit avec justesse et beauté littéraire la relation entre l'occupant, l’Israélien, et l'occupé, le Palestinien : « Et l’assassiné en est venu à aimer le visage du son assassin ». Cet embellissement poétique exagéré esquisse cette relation particulière qui s'est lentement formée entre les Palestiniens et leurs occupants. Avec le temps et l'occupation prolongée, l'oppresseur et l'opprimé en sont venus à se définir par rapport à leur lutte contre l'autre. Souvent, nos colonisateurs, dont la langue a goûté notre eau et mangé les fruits de notre terre, et dont la peau claire s'est prélassée sous les rayons de notre soleil, en sont venus à prétendre qu'ils étaient Nous. Et telle est la nature de la vie que leur discours raciste en est venu à insinuer dans la nôtre.
Il s'agit d'une relation unique. Une relation dont nous sommes venus à reconnaître la nature véritable, une relation où les Israéliens espèrent notre disparition, afin de nous remplacer en douceur et de s'approprier notre terre, notre culture et notre nom.
Oui, nous croyons que, consciemment ou inconsciemment, vous aspirez à devenir nous. Nous, les enfants des Cananéens, des Arabes, des peuples des terres lointaines ; un melting-pot de Turcs, de Kurdes, de Berbères, d'Africains et d'autres qui sont venus et qui sont devenus nous.
Qu'est-ce qui vous empêche, vous, qui êtes venus comme ces autres, de devenir l’un de nous comme nous sommes devenus ?
Vous pouvez nous répondre, en attendant, nous, nous avons une idée : c’est à cause du sionisme. C'est le sionisme, laïque et religieux, qui s’est refusé à l'appel des Palestiniens et des Juifs, avant 1948, en faveur d'un État laïque et démocratique, un État de tous ses citoyens.
En exploitant votre peur issue des crimes commis contre vous, de l'Holocauste à des nombreux actes de persécution que vous avez subis, c'est le sionisme qui a refusé que nous partagions un destin commun. Au nom de ces mêmes crimes, c'est le sionisme qui a justifié ses crimes, la barbarie de ses milices et les atrocités de son État, l'occupation de la terre des Palestiniens et les pratiques de nettoyage ethnique contre notre peuple.
C'est le sionisme qui, depuis un siècle, fait obstacle à nos rêves, les vôtres, et ceux de tous les humains, de justice, de démocratie, d'égalité et de bien-être.
C'est le sionisme qui s'est opposé à la vie commune, une vie partagée sur la base de la liberté et de l'équité. Au lieu de cela, l’État sioniste a cédé à la violence, en pactisant avec des puissances régionales et internationales, qui partagent sa soif de domination sur toute la région. Israël et ces forces ont investi dans l’effusion de notre et de votre sang. Ils ont montré qu’ils partagent l’hostilité aux peuples de la région comme à toutes les forces de paix, de démocratie et de justice.
Vous vous demandez quelle est la solution ? La solution commence par la fin de cette vision de suprématie et d'oppression, et la construction à sa place du premier État pluriel et démocratique sur cette terre antique, un régime de paix et de justice pour tous, y compris les réfugiés palestiniens retournant dans leurs foyers d'où ils ont été déracinés.
Cela commence par l'abandon de l'illusion que vous pouvez venir chez nous, nous expulser de chez nous, nous tuer, nous remplacer et prétendre être Nous.
Puissiez-vous plutôt suivre l'exemple de ceux qui vous ont précédés en venant sur notre terre et qui sont venus nous perpétrer, nous enrichir ; puissiez-vous choisir de vous joindre à nous pour construire un pays pour nous tous, sur les bases et les valeurs d'un État laïque et démocratique.
Puissiez-vous partager avec nous les valeurs de la paix, de la justice et de l'égalité, pour que nous évoluions ensemble, un pays-lumière pour l'humanité, qui brille vers un monde meilleur que nous pouvons aider à construire. Ceci est un message pour vous et pour nous.
Est-il un cri dans le désert non entendu ? Un cri dans le vide sidéral où la violence est perpétuée, à la plus grande satisfaction des despotes qui nous entourent.
Est-il une trompette qui annonce la fin de la tyrannie et de la bigoterie, la fin des ténèbres, et le phare d'un autre monde ?
Le choix est entre nos mains, les nôtres et les vôtres.
Cette terre, nous le croyons, accueillera et fixera ceux qui sont venus dans la paix, et l'amour, s’ils deviennent une partie organique de sa beauté, un arbre comme ses arbres, un ruisseau de son eau et une graine de son sol ; elle accordera son nom à ceux qui voudront se lier à elle. Mais elle exclura, comme elle l'a souvent fait, ceux qui choisiront la voie de l'obscurité et de l’agression, ceux- là deviendront des passagers transitoires comme les autres qui les ont précédés.