Indivisibilité de la justice en Palestine
Visioconférence
1er décembre 2023
Sonia Dayan-Herzbrun (Pr. Émérite Université Paris Cité)
Naji El Khatib (Sociologue, ODS Initiative)
Nous souhaiterons revenir sur cette notion, qui nous permet à la fois d’analyser la situation, et de témoigner d’une sensibilité véritablement humaine porteuse de solidarités.
Gaza est détruite sous un régime génocidaire, par rapport à quoi nous confrontons une répression d’Etat de nos expressions et de nos gestes de solidarité, et aussi, les mots manquent devant l’extrême violence. Quelles sont les ressources et les méthodologies à même de faire face à cette extrême violence ?
Nous voudrons ainsi revenir sur l’histoire de la région, et poser la question des mots que nous utilisons. En effet, qu’en est-il lorsque nous portons toute notre attention à l’histoire et à la rigueur des mots et du droit ?
Enfin, nous voudrons proposer de comprendre Gaza comme un analyseur de la violence de la modernité capitaliste et du sionisme, et les hypothèses qui sauraient y répondre, dans l’égalité des droits, et le refus de toute suprématie nationaliste, ethniciste, raciale ou religieuse.
1. (00:10:00)
Rabab Abdulhadi (Pr. Amed Studies-Université d'État de San Francisco)
Cette intervention (en anglais) s'appuie sur la démarche développée au sein du projet Teaching Palestine. Pedagogical Praxis and the Indivisibility of Justice : de quoi parle t'on lorsqu'on parle d'indivisibilité de la justice en Palestine ? Quelle analyse pouvons-nous faire de l'histoire palestinienne ? Qu'en est-il si nous plaçons au centre les voix marginalisées, et comment comprenons-nous le génocide et la résistance de Gaza ?
Le projet Teaching Palestine est un projet en cours d'aussi loin que la Palestine a subit un processus de colonisation, qu'une résistance à cette colonisation a existé, et que de nombreux·ses intellectuel·le·s en ont parlé. Initié en 2016, il s'appuie sur des cadres conceptuels propices à accueillir l'histoire orale et les projets archivistiques de l'histoire palestinienne, au rythme de la commémoration de ses dates importantes.
La démarche exige la production d'une analyse critique contextualisée et historicisée du projet systémique sioniste de colonisation qui vise à effacer la Palestine, non seulement de la carte géographique, mais aussi à éliminer simultanément toute trace d'indigénéité palestinienne, dans le but premier de délégitimer ce que la Palestine est venue symboliser : un signifiant de la résistance et de l'indivisibilité de la justice.
C'est une praxis qui engage un renversement en regard des notions usuelles des formes de marginalisation subies par le peuple palestinien, où la libération et la résistance palestiniennes ne priment pas sur celles des minorités de classe, genre, sexe, ethnicité, etc. en son sein mais au contraire elles en sont à la base, en relation avec d'autres mouvements de libération et de résistance dans le monde.
Voir aussi :
https://docs.google.com/document/d/...
https://amed.sfsu.edu
2. (27:40:00)
Sonia Dayan-Herzbrun (Pr. Émérite Université Paris Cité)
Il importe d'aborder cette question si douloureuse de la Palestine non pas sous l’angle de la paix, car on peut parvenir à la paix par l’écrasement, l’expulsion ou le massacre des « adversaires », mais sous celui de la justice. Qu'en est-il si nous substituons la notion de droit à celle de justice ? La justice est une notion éthique. Le droit réunit l’ensemble des règles et des institutions à travers lesquelles les humains et les sociétés tentent de faire régner la justice.
Dans un article de 1967 et devenu célèbre, Maxime Rodinson parlait d’Israël comme d’un « fait colonial ». C’est de cette réalité coloniale, aujourd’hui largement déniée pas les politiques et les médias mainstream que l'on partira. Ce fait colonial a cependant été entériné par un vote de l’Assemblée générale des Nations Unies (résolution 181, 1947). Il n’y a là rien de très nouveau, la création de tous les États-nations modernes reposant sur des accords et des conventions.
Cependant dès le moment de sa création Israël viole cette décision internationale en outrepassant les frontières qui lui avaient été attribuées et en expropriant et en expulsant violemment une partie importante de la population palestinienne. La Nakba de 1948 n’a pas été un événement unique mais a structuré le mode d’établissement de l’État d’Israël. La question qui s’est posée alors et qui se pose aujourd’hui de façon exacerbée, est celle du silence complice des puissances occidentales.
Voir aussi :
https://univ-paris-diderot.academia.edu/SoniaDayanherzbrun
https://editionskime.fr/rubrique/revues/tumultes
https://lcsp.u-paris.fr
3. (55:45:00)
Naji El Khatib (Sociologue, ODS Initiative)
Il n'est pas possible d'aborder la question de l'indivisibilité de la justice en Palestine sans y rapporter l'histoire collective et les parcours de vies palestiniennes, qui seraient divisées en différents statuts désolidarisés les uns des autres, au fil des différentes étapes de la colonisation, et de la partition de la Palestine, en particulier à partir de la Nakba en 1948 dont la situation actuelle à Gaza semble être une répétition.
À ces divisions internes imposées par la colonisation, s'ajoute une inégalité en regard de l'application du droit international, dont il faudrait rappeler l'histoire puisque le droit international est né au sein d'un certain rapport de force et un certain ordre international et en reflète les inéquitabilités, et à ce titre devrait être interrogé.
Gaza est habité à 90% par les réfugiés de la Nakba en 1948 et descendants, pour qui comme pour tous les palestiniens, la notion de retour a été unificatrice. C'est dès lors pour la troisième génération à présent, qui a franchi la frontière isolant Gaza, qui n'est au reste pas une frontière au regard du droit international, un geste de réalisation de ce retour.
Enfin, la création d'un Etat palestinien de fait n'a jamais obtenu une reconnaissance équivalente à la création d'un Etat israélien.
Nous devons ici porter notre attention à l'analyse de Fanon de la relation de violence de la colonisation qui créé une résistance à son image, en une situation qui semble sans issue.
Pourtant, de nombreuses voix y compris dans ce difficile moment actuel, plaident pour une Palestine où la coexistence serait possible sans distinction d'origine, de religion, de genre ou d'ethnicité, etc.
Voir aussi :
https://blog.political-studies.netauthor/naji-el-khatib
https://odsi.co