Indivisibilité de la justice en Palestine (2)

Sonia Dayan-Herzbrun
Indivisibilité de la justice en Palestine (2)
Sonia Dayan-HerzbrunIndivisibilité de la justice en Palestine (2)

 

J’apprécie tout particulièrement qu’on aborde aujourd’hui cette question si douloureuse de la Palestine non pas sous l’angle de la paix, car on peut parvenir à la paix par l’écrasement, l’expulsion ou le massacre des « adversaires », mais sous celui de la justice. Cependant je substituerai la notion de droit à celle de justice. La justice est une notion éthique. Le droit réunit l’ensemble des règles et des institutions à travers lesquelles les humains et les sociétés tentent de faire régner la justice.
Dans un article de 1967 et devenu célèbre, Maxime Rodinson parlait d’Israël comme d’un « fait colonial ». C’est de cette réalité coloniale, aujourd’hui largement déniée pas les politiques et les médias mainstream que je partirai.  Ce fait colonial a cependant été entériné par un vote de l’Assemblée générale des Nations Unies (résolution 181, 1947 ). Il n’y a là rien de très nouveau, la création de tous les États-nations modernes reposant sur des accords et des conventions.
Cependant dès le moment de sa création Israël viole cette décision internationale en outrepassant les frontières qui lui avaient été attribuées et en expropriant et en expulsant violemment une partie importante de la population palestinienne. La Nakba de 1948 n’a pas été un événement unique mais a structuré le mode d’établissement de l’État d’Israël. La question qui s’est posée alors et qui se pose aujourd’hui de façon exacerbée, est celle du silence complice des puissances occidentales.
Alain Dieckoff qualifie Israël d’État inachevé. Cet inachèvement se lit dans l’indétermination des frontières (absentes de la Loi fondamentale) qui permet à Israël d’étendre son territoire au détriment des Palestiniens (et des Druzes du Golan) en occupant, et en expropriant de façon violente et sans aucune légalité. Le droit international interdit en effet d’installer des populations civiles sur des territoires occupés par la force.
Cette politique d’occupation et de colonisation justifie le droit à la résistance. Comme le rappelle dans une interview donnée au Monde la juriste Françoise Bouchet-Saulnier, « Le droit des conflits reconnaît qu’il est légitime que les populations occupées organisent une forme de résistance à l’occupant. Ce n’est donc pas un crime au sens du droit international. En 1949, d’ailleurs, l’un des enjeux du droit des conflits armés a été de donner un statut aux civils résistants qui, pendant la seconde guerre mondiale, ont été considérés par l’Allemagne nazie comme des terroristes ». Il faut rappeler cependant que toute violence extrême contre les civils est sans contestation possible condamnable au regard des droits humains comme du droit des conflits.
La violence coloniale contre les Palestiniens a pris ces dernières semaines le visage d’une agression génocidaire exercée par Israël contre une population qu’au regard du droit international, cet État se devait de protéger en tant que puissance occupante. Au regard du droit international, comme le rappeler récemment encore Rony Brauman, la population des territoires palestiniens occupés, a le droit de se défendre.
L’incapacité depuis 75 ans de ce que l’on nomme les « puissances occidentales » à faire appliquer le droit, est signe d’une volonté obstinée à maintenir un ordre colonial au Proche-Orient.

Sonia Dayan-Herzbrun

Indivisibilité de la Justice en Palestine, 1/12/2023.