Miguel Abensour et Valentin Pelosse au début des années 70 proposaient une lecture de Blanqui, libérée des doxas idéologiques car, disent-ils Blanqui n’était pas plus blanquiste que Marx n’était marxiste ou Nietzsche nietzschéen. Il en existait une biographie, et une œuvre d’archive, où l’on découvrait un socialisme utopique empruntant des chemins de traverse, et surtout la lecture de Walter Benjamin, dont Sur le concept d’histoire rend compte dans l’image dialectique, de l’ouverture de possibles dans l’éternel retour du même du cyle répété de la révolution des planètes, selon une pensée de l’histoire et une ontologie matérialistes.
Löwy, Rancière, Piperno ou Block de Behar en ont aussi proposé des lectures des deux côtés de l’Atlantique, où la cosmogonie de Blanqui a donné lieu à la théorisation de nouvelles formes d’agir, de lire et d’écrire, et de rêver l’impossible.
L’Éternité par les astres était écrit en prison en 1871, où Blanqui passa en tout plus de trente années de sa vie, et « Prisonnnier de tous les États, Blanqui se présente comme une des plus formidables dénonciations en acte de la politique dans le monde moderne. À quoi peut tendre un prisonnier perpétuel, sinon à la destruction de toutes les prisons, à la fin de tous les États ? » (1972).
« L’univers est infini dans le temps et dans l’espace, éternel, sans bornes et indivisible. Tous les corps, animés et inanimés, solides, liquides et gazeux, sont reliés l’un à l’autre par les choses même qui les séparent. Tout se tient. Supprimât-on les astres, il resterait l’espace, absolument vide sans doute, mais ayant les trois dimensions, longueur, largeur et profondeur, espace indivisible et illimité. Pascal a dit avec sa magnificence de langage : "L’univers est un cercle, dont le centre est partout et la circonférence nulle part." Quelle image plus saisissante de l’infini ? Disons d’après lui, et en précisant encore : L’univers est une sphère dont le centre est partout et la surface nulle part. Le voici devant nous, s’offrant à l’observation et au raisonnement. Des astres sans nombre brillent dans ses profondeurs. Supposons-nous à l’un de ces "centres de sphère", qui sont partout, et dont la surface n’est nulle part, et admettons un instant l’existence de cette surface, qui se trouve dès lors la limite du monde. » écrit il en ouverture de l’ouvrage.
Dans un premier temps, on reviendra sur l’histoire de la réception ou plutôt, de la non-réception de L’Éternité par les astres de Blanqui qui en effet a d’abord été lu comme une œuvre littéraire de façon dissociée de l’histoire de la Commune, ou bien versée aux archives de la Commune à titre anecdotique, voire en est absent et comme si Blanqui politique et révolutionnaire, et Blanqui auteur de L’Éternité par les astres avaient été deux personnes différentes.
Si c’est pendant la Commune que Blanqui écrit L’Éternité par les astres, il faudra attendre la fin des années 1930 pour que cette œuvre singulière revête la dignité d’un sens de l’invention littéraire ou philosophique, lorsque Benjamin y trouve une sortie à la fois du temps linéaire du progrès et du temps circulaire de la tradition, et Bioy Casares et Borges, la variabilité au cœur de la répétition des motifs qui font la trame du récit devenu infini.
Abensour et Pelosse lorsqu’ils écrivent « Libérer l’Enfermé », et cette perspective sera reprise par Rancière, réuniront définitivement les deux Blanqui, Blanqui politique et révolutionnaire, et Blanqui l’auteur d’un ouvrage d’astronomie écrit en prison, en un seul en montrant le sens politique de la conception pluridimensionnelle de son astronomie comme il en est d’une pluridimensionnalité de sa prise de parole, politique, militaire, littéraire, philosophique.
Dans un second temps ouvert aux lectures contributives, on relira les notions d’éternel retour, de différence, de variabilité et de répétion plus largement parmi le corpus philosophique moderne et contemporain en particulier chez Nietzsche.
Voir aussi :
Louis-Auguste Blanqui (Classiques de l’UQAC)
The Blanqui Archive (Université de Kingston)
L’Archive Louis-Auguste Blanqui (Archive Internet des Auteurs Marxistes)