Décentrement et narration chez Edward Saïd

Orazio Irrera
Décentrement et narration chez Edward Saïd
Orazio IrreraDécentrement et narration chez Edward Saïd

 

On sait qu’Edward Saïd fut l’un des intellectuels les plus attentifs aux effets politiques de la représentation, nous offrant des instruments importants pour l’analyse des mécanismes de construction des images à forte connotation eurocentrique et « monoculturelle » et des récits liés à la libération et aux instances de reconnaissance de subjectivités politiques opprimées et excentrées. On peut même affirmer sans trop de risque que son activité critique se concentre avant tout sur ces lieux sensibles, culturellement et politiquement, pour lesquels se pose d’une façon ou d’une autre le problème de la traduction d’une altérité culturelle, politique, linguistique, d’un horizon de sens à un autre. C’est au sein de ce processus de traduction qu’Edward Saïd s’efforce de montrer en quoi les représentations sont indissociables de certaines dynamiques de pouvoir, comme l’ont souligné la plupart de ses exégètes et tous ceux qui ont fait de son œuvre une source d’inspiration indispensable. Ce qu’on a souligné beaucoup moins fréquemment, c’est le fait qu’un autre enjeu tout aussi important de ce processus de traduction est la construction éthique et politique de celui qui est impliqué dans la représentation, non seulement comme sujet représenté ou comme sujet de la représentation, mais aussi comme subjectivité interpellée par les exigences interprétatives de certaines représentations. Cet ensemble de problèmes n’est ni un corollaire de ses thèses les plus connues, ni un sous-texte identifiable à force d’interprétations abusives. Bien au contraire, on peut le voir comme un des principaux axes de développement de l’ensemble de sa production, de sa monographie sur Conrad et des travaux théoriques et méthodologiques importants de Beginnings jusqu’à ses tout derniers écrits sur l’humanisme.

Décentrement, 12/01/2017.